Selon l’entrepreneur Réginald Boulos, la situation que vit le pays actuellement où il existe plusieurs taux de change est le résultat de l’incompétence de l’équipe au pouvoir.
Taux de référence de la Banque de la République d’Haïti (BRH), taux moyen d’acquisition (TMA), taux de vente des injections de la BRH, taux de vente des banques aux clients, taux du marché informel et taux de la douane sont autant de taux qui existent sur le marché des changes en Haïti, selon le Dr Réginald Boulos, qui croit qu’aucune prospérité économique et sociale n’est possible dans une situation pareille. Le pays est arrivé à ce stade, estime le leader de la formation politique MTVAyiti, parce que « nous sommes gérés par l’incompétence ».
« Comment penser que des fondamentaux liés à la balance de paiement, au déficit budgétaire, à l’absence d’investissement dans la production nationale et au désordre au niveau de la douane favorisé par la contrebande et la corruption pourraient être corrigés par une simple circulaire destinée à résoudre le problème de la dépréciation de la gourde », commente l’homme politique, qui participait à l’émission Panel Magik, ce jeudi 11 mars 2021.
« Ils ont fait croire que c’est un petit groupe qui manipulait le change et était responsable de la décote continue de la gourde ; ils en ont pris le contrôle et ont créé plus de désordre », ajoute M. Boulos.
Ce désordre sur le marché des changes n’est pas sans conséquence sur les secteurs de la vie nationale, et plus précisément sur le pouvoir d’achat de la population la plus pauvre. « Le pays vit en grande partie des transferts de l’étranger. Le dollar est payé à son bénéficiaire à 75 gourdes quand il reçoit un transfert. Le même bénéficiaire doit s’approvisionner en produits dont les couts sont calculés à 95-105 gourdes. Car, lorsque le commerçant ne trouve pas les dollars à la banque pour ses importations, il est obligé d’aller les chercher sur le marché informel. Il l’achète donc à 95 gourdes et calcule les prix de vente de ses produits à partir d’anticipations qu’il fait sur d’éventuelles hausses du taux de change à l’avenir », explique le chef du Parti MTVAyiti. La population qui consomme en majorité ces produits sont alors les plus défavorisés. »
« Aujourd’hui, le pouvoir d’achat de la population a diminué de 20 à 25% en fonction de cette multiplicité de taux. La conséquence de cela est une diminution des activités économiques en général et l’appauvrissement du peuple qui vit des transferts », fustige Réginald Boulos.
Pour M. Boulos, par leur incompétence, les pouvoirs publics ont mis en place un système qui, en réalité, privilégie le secteur privé, qui trouve les injections de la BRH et défavorise en termes de justice sociale le « petit peuple », qui vit des 3,8 milliards de dollars de transfert par année.
La pression de la gourde sur le dollar est expliquée aussi par une diminution des revenus par rapport aux prévisions budgétaires, et l’une des raisons principales est la contrebande. « Au 25 février, le déficit budgétaire d’octobre 2020 à février 2021 était de 35 milliards de gourdes, soit près de 76% du déficit global de l’année dernière. À ce rythme, on risque d’aboutir à un déficit budgétaire pour l’année en cours de l’ordre de 73 à 75 milliards de gourdes », alerte le Dr Boulos qui souligne aussi le rôle de la corruption.
« Entre 2017 et 2020, Haïti perd 13 places dans le classement de Transparency International, passant de la 157e à la 170e place sur 179 pays », rappelle l’homme d’affaires. « Lorsqu’un pays est rongé par la corruption et la contrebande et est dirigé par des incompétents, le résultat ne saurait être différent », dit-il.
Le déséquilibre spectaculaire constaté sur le marché des changes impacte substantiellement le coût des produits alimentaires. Alors que la BRH a pris le contrôle des devises provenant des transferts, « sur les 12 derniers mois, les réserves nettes de change sont passés de 760 millions de dollars au 18 février à 478 millions de dollars et sont encore moindre aujourd’hui. 450 millions de dollars, c’est le montant de deux mois d’importation du pays comprenant une grosse facture pétrolière à la hausse parce que sur les 12 mois, le prix du pétrole a cru de près de 50%. Or, les prix à la pompe n’ont pas changé. En ce sens, naît un problème fondamental : l’État sera obligé de subventionner la différence de 50% », détaille M. Boulos car « le pouvoir de détient pas la crédibilité politique pour changer les prix à la pompe ».
« Un plus grand déficit budgétaire engendre une plus grande dépréciation de la gourde et le peuple s’appauvrit davantage », conclut Réginald Boulos.
« Même s’ils ne l’ont pas voulu au départ, les dirigeants se sont inscrits dans un schéma d’appauvrissement du peuple. Nous sommes plus pauvres aujourd’hui qu’il y a dix ans », dénonce Réginald Boulos.
Ritzamarum Zétrenne
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